Conversation à bâtons rompus avec Nathalie Martin, déléguée générale de la fondation Swiss Life depuis avril 2018, parue dans le magazine des 10 ans de la Fondation Swiss Life.

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La fondation Swiss Life vient de fêter ses 10 ans. Peut-on rappeler son champ d’action ?

Depuis sa création, la fondation œuvre pour une société où chacun peut se réaliser grâce à ses choix personnels et à l’entraide collective. Pour la fondation, les valeurs de confiance, de proximité, de solidarité et d’accomplissement sont primordiales. Nous les avons déclinées en trois axes principaux d’action : agir pour une santé durable, soutenir la création et encourager la solidarité. Le premier axe est évident pour un assureur santé. Il implique principalement l’Institut Curie et l’association France Alzheimer. Lors de la création de la fondation, nous avions interrogé nos clients, nos collaborateurs et nos partenaires sur leurs sujets de préoccupation. Les réponses furent majoritairement le cancer et la dégénérescence. Concernant la maladie d’Alzheimer, notre approche a évolué. D’abord, nous avons soutenu l’opération « Des mots pour Alzheimer », qui à travers des spots télé expliquait cette maladie encore très mal connue.

En parallèle, nous avons commencé à faire du mécénat croisé : musique et santé, avec l’association Music’O Seniors, qui organise des concerts de chant lyrique dans des Ehpad. Il y a plusieurs années, les premiers partenariats avec des musées se sont mis en place pour les visites de malades et de leurs aidants. Au fil du temps, nous avons souhaité nous engager dans des actions plus proches des gens, pour accompagner et soutenir malades et aidants. Nous avons développé davantage de partenariats avec les musées afin d’avoir un plus large rayonnement territorial. Ces séquences ont pour objectif d’éveiller les sens des personnes atteintes par la maladie. C’est extraordinaire. Lors d’une visite récente au Jeu de Paume (voir p. 16), il y avait une dame toute gaie qui n’arrêtait pas de parler. Chaque photo réveillait un souvenir en elle. Son mari, qui l’accompagnait, me disait que cela faisait des années qu’il ne l’avait pas vue comme ça. C’était un moment très émouvant…

En 2019, nous lançons l’initiative d’un concours photo avec l’ensemble des collaborateurs Swiss Life France intitulé « La Mémoire des belles choses » : « Si demain votre mémoire s’effaçait, quelles sont les trois photos que vous garderiez pour vous souvenir des beaux moments de vie ? » Cela nous permet de sensibiliser nos collaborateurs à la maladie d’Alzheimer, tout en mettant à l’honneur la photo.

Comment soutenez-vous l’Institut Curie ?

Au départ, nous soutenions financièrement la recherche fondamentale. Il y a quelques années, lorsque l’Institut Curie a lancé la campagne de collecte de fonds « Une jonquille pour Curie » (voir p. 10), nous avons souhaité impliquer nos collaborateurs, nos clients et nos partenaires. L’opération débute mi-mars et dure environ deux mois. La fondation a mis au point différents moyens de s’engager pour collecter. Il n’y a pas de mauvaises idées ! Pages de collecte en ligne, organisation d’événements sportifs, culturels… Les recettes augmentent chaque année et nous pouvons être fiers. En 2019, nous avons recueilli 117 000 euros. Grâce à l’implication de tous, la fondation est le premier collecteur d’« Une jonquille pour Curie » depuis trois ans !

Un autre axe de la fondation s’intitule « Encourager la solidarité ». De quoi s’agit-il ?

Il vise à encourager la solidarité au sein du groupe et s’adresse aux collaborateurs fortement impliqués dans une association dont la fondation pourrait soutenir un projet. L’appel à projets « Aider à aider » est lancé tous les ans fin janvier, en général. Cela nous permet aussi d’étendre le champ social de nos actions, comme le handicap, l’éducation, le mieux vivre ensemble. Nous pouvons soutenir une association jusqu’à trois ans. Nous ne souhaitons pas qu’une association soit totalement dépendante de la fondation pour fonctionner. Plus de 80 initiatives ont été soutenues en dix ans. C’est chaque fois une belle aventure avec le collaborateur qui porte le projet. La fondation apporte certes un soutien financier, mais l’équipe se déplace sur le terrain pour rencontrer les acteurs de l’association et réaliser des reportages qui seront diffusés sur les réseaux sociaux et intranet. « Aider à aider » valorise les collaborateurs qui apprécient que l’entreprise les accompagne dans leur vie associative. C’est un engagement citoyen réel qui intéresse particulièrement les nouveaux embauchés. Beaucoup d’entre eux nous sollicitent et nous confient être fiers d’évoluer dans un groupe qui s’engage. C’est enfin une façon d’impliquer les collaborateurs dans les actions de la fondation afin qu’ils se l’approprient.

Le troisième axe consiste à soutenir la création. Nous sommes ici aux Rencontres de la Photographie d’Arles, où vous avez lancé la quatrième édition du Prix Swiss Life à 4 mains.

Oui, ce prix nous a fait connaître dans le monde de la photographie et de la musique. Il fait partie d’ailleurs des projets qui ont récemment évolué. Mais d’abord, je reviendrai sur le mécénat musical, un peu arrêté ces dernières années… J’ai souhaité le relancer car il fait vraiment partie des gènes de la fondation, et cela manquait à nos collaborateurs. En 2019, nous avons soutenu Julia Alcaraz, une jeune pianiste très douée (voir p. 28). Le mécénat musical nous permet d’organiser par exemple des soirées patrimoniales avec nos forces commerciales qui souhaitent réunir leurs clients patrimoniaux dans un cadre exceptionnel. L’assistance est limitée à une centaine de personnes, la soirée débute avec un expert venu animer une petite conférence sur des questions d’actualité liées à l’économie internationale, se poursuit avec un concert et un cocktail où l’artiste se met à la disposition des invités pour parler de son art, de son répertoire, etc. On met tout en œuvre pour faciliter en permanence la proximité et les échanges. C’est la raison d’être de la fondation.

Comment choisissez-vous les actions culturelles que vous allez soutenir ?

Lors de ma prise de fonction, j’ai beaucoup échangé avec l’ensemble des collaborateurs, à tous les échelons, dans toutes les régions, sur la fondation, sur ce qu’ils savaient d’elle, sur ce qu’ils attendaient d’elle. Avec Élisabeth Parnaudeau nous avons fait un état des lieux de toutes les actions : les projets qui fonctionnaient, ceux qui fonctionnaient moins, ce que nous devions améliorer... ou inventer ! Ainsi il y a eu notre projet avec le graffeur et tagueur Nebay (voir p. 32) dans le cadre d’une fresque participative pour illustrer la raison d’être de l’entreprise. J’ai pour objectif que chaque collaborateur de Swiss Life participe au moins une fois par an à une action de la fondation qui lui correspond. Par exemple, grâce à Nebay et aux deux fresques réalisées à Levallois et Roubaix, nous avons découvert de véritables artistes parmi nos collaborateurs qu’on ne croisait jamais sur aucun événement. Ils ont vraiment participé avec enthousiasme, et ces fresques géantes sont les leurs. Je pense qu’ils sont fiers d’avoir eu l’occasion d’exprimer leur créativité, dans le cadre et sur le lieu de leur travail.

Revenons sur le Prix Swiss Life à 4 mains, une véritable innovation dans le monde des concours.

En 2014, Anne-Marie Lasry (l’ancienne directrice de la fondation, ndlr) a eu l’idée originale d’associer la photographie et la musique, deux arts qui ne travaillent pas très souvent ensemble. Cela a eu un vrai impact, dans le monde de la photo et dans celui de la musique. Après trois très belles éditions, nous venons de lancer la quatrième avec quelques modifications… Il avait besoin d’être modernisé. Avec

Élisabeth, nous avons réfléchi à la manière de réinventer ce magnifique prix sans le trahir ! Nous avons ouvert le processus de candidature des artistes afin d’être plus national dans la sélection. Il n’y a plus de parrainage. Les artistes déposent désormais leur dossier en binôme (un photographe et un musicien), et un jury choisit les deux lauréats. J’ai également souhaité rapprocher la fondation du terrain en étant aux Rencontres de la photographie d’Arles, afin de recevoir, rencontrer, présenter notre prix et notre fondation.

Les plus grands photographes sont passés nous voir, mais aussi des journalistes, des galeristes, des conservateurs, des étudiants… Le monde de la photo, français et international, est réuni ici. Il fallait en profiter.

Imposez-vous un thème ?

Non, les lauréats vont produire pour nous une œuvre originale en associant leurs talents. Le style de la musique ou des photos n’importe pas. Cette liberté de choix qui fait partie de la raison d’être de l’entreprise s’applique aussi aux artistes qui concourent. Autre nouveauté, le prix va vivre sur deux ans désormais. Il sera présenté à Paris mais aussi en région. Cela correspond aussi à notre volonté d’aller au-devant de nos clients et de nos partenaires. Nous souhaitons partager avec eux ce magnifique prix dans des lieux d’exception. Je suis très attachée à le présenter dans différents endroits pour toucher un public varié : musées, galeries, festivals de photo…

Par exemple ?

À Paris, le prix sera dévoilé en novembre 2020 lors de la semaine de Paris Photo. Cela se fera dans l’hôtel particulier qu’occupe le Salon a ppr oc he, dont les directrices, Emilia Genuardi et Elsa Janssen, sont nos conseillères artistiques pour la photo. Olivier Bouley, de l’association Les Pianissimes, est notre conseiller musical avec le soutien de Pascal Cheynis, notre collaborateur expert en musique pour la fondation et membre du conseil d’administration. En décembre 2020, la Galerie Thierry Bigaignon nous accueillera à Paris pour deux semaines. Début 2021, nous présenterons le prix lors d’une soirée privée au musée du Jeu de Paume. Nous nous sommes engagés ensuite à partir en région. Nous serons exposés durant trois mois au printemps 2021 au musée La Piscine à Roubaix, où nous investirons les fameuses cabines art déco… Cela s’annonce merveilleux. Nous poursuivrons notre itinérance dans la galerie Arrêt sur l’image à Bordeaux.

Les lauréats seront désignés fin janvier 2020 à l’issue du vote du jury. En ferez-vous partie ?

Non, car je ne souhaite pas être juge et partie. En revanche, avec notre équipe de conseillers, Emilia Genuardi, Elsa Janssen, Olivier Bouley, menés par Chantal Nedjib (la conseillère de la fondation pour le

Prix Swiss Life à 4 mains, ndlr), nous présélectionnerons dès fin novembre une dizaine de binômes. Au jury ensuite de trancher en toute indépendance ! La tâche va être rude car nous avons reçu de nombreux beaux dossiers, mais il va falloir choisir. Une belle quatrième édition en perspective…

En dehors des expositions, que gagnent les deux lauréats ?

Ils reçoivent chacun une dotation ainsi qu’une prise en charge des frais de production. Nous réfléchissons aussi à éditer un livre photographies et musique original. Je ne crois plus trop à la version livre CD en 2019 ! Nous souhaitons que l’éditeur accompagne le projet des artistes dès sa conception afin de créer un ouvrage qui leur ressemble, et pas l’inverse. C’est très important.

Vous croisez la photographie et la musique à travers ce prix. Peut-on imaginer d’autres croisements entre les trois axes ?

Nous l’avons déjà imaginé, en soutenant par exemple depuis des années l’association Music’O Seniors, qui donne des concerts dans les Ehpad.

Avez-vous tiré un bilan personnel depuis votre prise de fonction ?

C’est un peu tôt pour faire un bilan. Je suis juste très satisfaite de pouvoir vivre un engagement citoyen plus fort, plus quotidien, avec une petite équipe hypermotivée, efficace et toujours avec le soutien de Charles Relecom, le président, et l’ensemble du conseil d’administration de la fondation. Et quand des salariés sont satisfaits de nos actions, je suis contente, c’est vrai. On avait un certain déficit de notoriété en interne, certes inhérent à beaucoup de grands groupes… mais nous n’allions pas rester les bras ballants. Nous avons commencé par nous faire connaître chez nous ! Quand on est embauché chez Swiss Life, il y a des parcours d’intégration de type Welcome Days ou stages d’habilitation. Nous en profitons pour présenter la fondation. Tous les collaborateurs, les forces commerciales, les alternants du groupe sont ainsi informés de nos actions. Libres à eux de choisir les axes et actions dans lesquels ils souhaitent s’engager.

C’est nouveau ?

Oui, et c’était facile à faire, il fallait juste un petit peu de temps et de la volonté. Toutes nos actions sont relayées sur les comptes sociaux, intranet. Notre notoriété a grandi tant en interne qu’en externe.

Les salariés sont-ils aussi bénéficiaires de vos partenariats avec les institutions culturelles ?

Oui. Par exemple, nous mettons en place des jeux concours pour gagner des billets d’entrée dans les expositions de nos musées partenaires. Nous organisons aussi des conférences à l’heure du déjeuner, où l’on fait venir soit un commissaire d’exposition, soit un artiste qui explique sa démarche. Enfin, nous avons développé, avec la start-up Artips, une plateforme avec des parcours de culture générale gratuite pour les collaborateurs.

La date des 10 ans est symbolique. Quel futur préfigure-t-elle ?

En novembre 2018, j’ai présenté au conseil d’administration un plan stratégique pour quatre ans qui va nous permettre de développer davantage nos trois axes et de pérenniser les actions de la fondation. La fondation a été repositionnée, ses actions clarifiées, son champ d’investigation délimité. Au bout de dix ans, il nous fallait évoluer, exprimer et affirmer une personnalité plus mature à travers une promesse exigeante : Soutenir vos choix, accompagner vos rêves, en cohérence avec notre raison d’être.